Jean-Pierre Hansen - Jacques Fraix
Le risque industriel majeur : ambiguïtés, craintes, savoir
Référence 3 Version 1 Date 17/10/2011
Texte / Les accidents industriels de grande ampleur
Les accidents industriels de grande ampleur

Ce risque trouve essentiellement sa source dans les deux grands secteurs industriels de l'énergie et de la chimie. Les activités génératrices de risque dans ces secteurs sont l'extraction des matières premières, le transport de substances dangereuses, les process industriels eux-mêmes et le stockage.

Le tableau figurant en annexe rappelle quelques grands accidents survenus depuis le début du XXe siècle, dans ces activités.

Le risque d'accident est né avec la révolution industrielle, mais il a pris une acuité particulière au cours de ces dernières décennies. Trois facteurs, au moins, nous paraissent expliquer cette évolution.

  • L'effet de taille, c'est-à-dire l'accroissement des capacités, des dimensions ou des puissances qui rend évidemment plus difficile la maîtrise des conséquences potentielles des accidents (les premiers tankers des années 50 avaient des capacités de 50.000 tonnes ; ils dépassent aujourd'hui les 400.000 tonnes).
  • La quantité et la nature des produits impliqués. Chaque année, l'industrie chimique commercialise un millier de produits nouveaux et plus de 10.000 substances sont vendues à des quantités supérieures à 500 tonnes/an (3). « On dispose de connaissances sur les effets aigus de certaines d'entre elles, mais l'on a des connaissances épidémiologiques sur les effets chroniques que pour quelques dizaines de substances, moins d'une centaine. Il faut des années pour étudier suffisamment une substance, pour en connaître les effets chroniques chez l'homme. »  (4)
  • La concentration des activités et leur proximité avec des zones résidentielles (cas de Bhopal, Mexico, Canvey Island et Toulouse par exemple). Ces circonstances risquent d'aggraver les effets des accidents et d'affecter sur une grande échelle les populations voisines des installations.

Quantification et perception du risque

Deux notions jouent un rôle essentiel dans la quantification du risque consécutif aux dysfonctionnements des installations industrielles :

  • la probabilité (fréquence) qu'un événement accidentel survienne ;
  • l'ampleur des conséquences matérielles et humaines de cet événement (gravité).

Le risque est défini par le produit de la probabilité des événements dommageables par la gravité des conséquences qui en résultent et le risque sociétal est donné par :

R = fi,j x gi,j (1)


         f = fréquence (par exemple, nombre d'accidents par unité de temps) ;
         g = gravité (par exemple, décès par accident) ;
         i et j se rapportent respectivement aux activités et aux types de conséquences.

La relation élémentaire ci-dessus permet de tirer un certain nombre d'enseignements utiles pour notre propos.

La fascination du risque maximum

C'est une attitude fréquente, mais injustifiée, que d'identifier le risque sociétal aux seules conséquences des événements accidentels (et même aux plus graves d’entre elles) ; or, il est certain que la fréquence, faible ou élevée, contribue elle aussi à réduire ou aggraver le risque. On se trouve là en présence de « la fascination par le risque maximum » (5) ou « du vertige apocalyptique » (6).

L'aversion au risque

La relation donnant R en fonction de f et de g ne permet pas de rendre compte d'un phénomène important que l'on peut qualifier d'aversion au risque. Même à valeurs de R égales, l'expérience montre que la société accepte beaucoup plus difficilement les accidents rares (f faible) mais impliquant des conséquences importantes (g élevé) que des accidents fréquents (f élevée) aux conséquences faibles : il suffit de penser aux réactions du public face aux accidents routiers et aux accidents de l'aviation commerciale. Les accidents industriels de grande ampleur entrent précisément dans la catégorie d'accidents pour lesquels l'aversion au risque du public est grande.

La corrélation entre f et g

La relation (1) ne reflète pas explicitement le fait que les facteurs fi,j et gi,j ne sont pas indépendants les uns des autres. On peut écrire :

R = fi,j x g(fi,j) (2)

Ceci traduit le fait que la gravité serait une fonction de la fréquence et que des conséquences de plus en plus graves peuvent toujours être envisagées dans des scénarios accidentels de plus en plus catastrophiques et, donc, de fréquences de plus en plus faibles. L'analyse du risque faite aux USA en 1975 (7) pour les accidents dus aux activités de l'homme conduisit d'ailleurs à des courbes de risque (f en fonction de g) dont l'allure est très significative, comme l'illustre la figure 1.

Figure 1 – Risques d'accidents résultant de l'activité humaine (Voir U.S. ATOMIC ENERGY COMMISSION, op. cit., Summary report, Figure 1 - Frequency of fatalities due to man-caused events, p. 1.)

Évaluations de la fréquence et de la gravité

La relation (2) ci-dessus montre que la détermination du risque R doit passer par l'évaluation de ses facteurs constitutifs fi,j et gi,j. Cette évaluation est difficile et les marges d'erreur qui en découlent peuvent être considérables.

La fréquence fi,j

On conçoit que, pour une installation industrielle complexe, il n'est pas facile d'identifier toutes les séquences de dysfonctionnement qui peuvent conduire à un accident de grande ampleur, ni d'évaluer leur probabilité de survenance. La statistique est d'un faible secours ici, la loi des grands nombres n'étant pas applicable.

On ne peut donc résoudre le problème d'estimation des fréquences qu'en faisant appel à des méthodes théoriques adaptées. L'une de ces méthodes adaptée aux accidents majeurs est appelée arbre de défaillance et permet de décomposer l'accident en une combinaison d'événements élémentaires successifs ou simultanés, pour chacun desquels une probabilité de survenance peut être évaluée. En combinant les probabilités de survenance de chacun des événements élémentaires et en tenant compte de leurs relations logiques (de type ET/OU) dans le déroulement de l'accident, on peut alors reconstituer la probabilité de l'accident envisagé dans son ensemble.

Ces études peuvent être longues et coûteuses. À titre d'exemple, l'étude de Rasmussen réalisée aux USA, lors de l'essor du programme nucléaire du pays, avait duré trois ans et coûté 4 millions de dollars de l'époque (1975). On peut aussi citer l'étude faite au Royaume-Uni à propos du site de stockage chimique de Canvey Island en 1978, qui dura 2 ans et coûta 400.000 livres sterling.

Les résultats d'études aussi complexes sont généralement entachés de marges d'erreur non négligeables. Il est d'autre part difficile et parfois impossible d'y prendre en compte des événements difficilement ou non probabilisables, qui peuvent survenir en même temps que le dysfonctionnement de l'installation ou en être la cause.

Les résultats de ces études probabilistes doivent donc être considérés comme des ordres de grandeur permettant d'apporter un élément global d'appréciation du risque. Elles ont toutefois le mérite de mettre en évidence des séquences accidentelles dont la probabilité de survenance ne serait pas négligeable et dont la gravité serait inacceptable.

La gravité gi,j

L'homme ne connaît pas toujours avec une certitude scientifique le danger ou la toxicité des substances qui sont en jeu une fois que l'accident s'est produit. On peut citer, à titre d'exemples :

  • les conditions dans lesquelles des nappes de gaz non confinées et dérivantes peuvent déflagrer ou détoner, ce qui implique des conséquences très différentes en termes de vitesse de propagation du front de flamme et de surpressions ;
  • la toxicité de nombreux produits chimiques impliqués dans les rejets en cas d'accident (voir l'exemple du type de dioxine relâchée à Seveso) ;
  • les effets à long terme de substances polluantes sur les écosystèmes (cas des marées noires).

En outre, on ne connaît pas toujours avec certitude quelle quantité exacte de substances dangereuses a été relâchée. Pour ne prendre qu'un exemple récent, si la fuite de pétrole lors de l'accident de la plate-forme Deepwater Horizon a d'abord été évaluée à 1.000 barils par jour, des experts, un mois plus tard, avançaient un chiffre de 70.000 barils par jour.

On comprend dès lors tout l’intérêt de disposer d’échelles graduées permettant de qualifier, à l’aide d’un indice chiffré, le niveau de gravité d’un accident. Le public est déjà familiarisé avec ce genre d’échelle : celle de Richter est fréquemment utilisée pour caractériser l’amplitude des tremblements de terre. Il existe également, quoique moins connue du public, une échelle internationale des risques dans le cas des accidents nucléaires. Selon cette échelle (graduée de 0 à 7), l’accident de grande ampleur, qui fait l’objet de la présente contribution, reçoit l’indice 7 (c’est le cas de Tchernobyl et de Fukushima).

Acceptabilité du risque

Évaluer un risque est une chose, déduire de la valeur trouvée qu'il est acceptable ou non en est une autre.

Le décideur se trouve confronté à la comparaison du risque calculé R avec la valeur de référence considérée comme le seuil au-delà duquel le risque devient inacceptable. Deux approches fondamentales peuvent être mises en évidence.

L'approche économique

Elle part de la constatation qu'investir dans la sûreté d'une installation, ce qui implique des coûts, permet de diminuer les risques et donc d'épargner ultérieurement des vies humaines, des dégâts matériels, des contaminations,… d'où des bénéfices. La technique dite Analyse Coûts-Bénéfices peut servir de critère de décision en comparant les coûts envisagés aux bénéfices escomptés. Nous reviendrons plus longuement sur ce sujet à propos des pollutions chroniques de l'environnement, mais mentionnons dès à présent que la difficulté de la méthode réside évidemment dans la nécessité de disposer d'une unité de mesure commune et, par conséquent, dans la valorisation monétaire des coûts et des bénéfices. Un exercice particulièrement (et éthiquement) difficile est celui de la valorisation de la vie humaine. Le concept du « willingness to pay » consiste à déterminer par enquête quel est le supplément de prix que les utilisateurs sont disposés à payer pour un bien ou un service et ce, en vue de diminuer le risque qu'ils courent et qui est associé à la production de ce bien ou de ce service (par exemple, le kWh et la sécurité des centrales nucléaires). On connaît ainsi la relation entre l'augmentation de prix acceptée et la réduction associée du risque.

L'approche par les risques « déjà acceptés »

Dans ce cas, l'attention se concentre sur les niveaux de risque et non plus sur des évaluations monétaires. Par exemple, si l'on estime que le risque individuel (probabilité) de décès d'une personne dû aux désastres naturels est de 10-6/an, on peut en déduire que si le risque de même nature, dû à une installation industrielle, est du même ordre de grandeur ou plus petit, ce dernier est acceptable. Dans cette optique, il est intéressant de noter que toutes les enquêtes démontrent que les risques considérés par le public comme « volontaires » sont acceptés avec une probabilité beaucoup plus élevée en moyenne que les risques « involontaires » ou subis.

Quelle que soit l'approche adoptée, on peut cependant s'interroger sur ces méthodes qui se fondent implicitement, d'une part, sur la confiance en des estimations de nature scientifique (même si elles sont marquées du sceau de l'incertitude) et, d'autre part, sur la rationalité décisionnelle des individus. Or, l'aversion au risque (voir ci-avant) comprend chez chacun d'entre nous une part d'irrationnel et, comme le disait P. Lagadec, « la démonstration ‘scientifique’ de l'acceptabilité d'un risque ne suffit pas socialement » (8).

Gestion du risque accidentel

Il ne faudrait pas déduire de ce qui précède que le risque industriel majeur lié à des dysfonctionnements accidentels est une fatalité qu'il faut accepter. De nombreuses mesures sont prises afin de prévenir les accidents, d'en réduire les conséquences dommageables si elles surviennent en dépit des mesures prises et de réparer les dommages que l'on n'a pas pu empêcher. Dans ce qui suit, nous nous intéresserons plus particulièrement aux problèmes de la prévention et de la réparation.

La prévention du risque

L’accident le plus acceptable est celui qui ne se produit pas. Ceci implique que c’est dès la conception des installations que leur sûreté doit être prise en considération. Ceci implique l’adoption d’une philosophie de sûreté dès le départ et, en la matière, trois grandes approches sont possibles :

  • l’approche déterministe selon laquelle l’installation est conçue pour faire face à des accidents bien définis, considérés comme des cas enveloppes et dont on ne considère pas leur plus ou moins grande probabilité de survenance ;
  • l’approche probabiliste dans laquelle les installations sont conçues pour faire face à des accidents de référence non définis a priori, mais dont le concepteur détermine les caractéristiques à partir d’un niveau prédéterminé de probabilité d’avoir, en cas d’accident, des conséquences inacceptables pour l’environnement et les populations ;
  • l’approche mixte qui combine l’approche déterministe pour certaines familles d’accidents (par exemple, les accidents d’origine interne à l’installation) et l’approche probabiliste pour d’autres (par exemple, les accidents d’origine externe à l’installation).

La prévention des risques comprend à la fois des aspects techniques et des aspects institutionnels et législatifs.

Les ingénieurs de conception disposent d’outils permettant de mettre en œuvre les exigences de sûreté lors de la conception, la fabrication et le montage des systèmes et équipements, ainsi que lors de leur exploitation. Il faut souligner trois aspects fondamentaux de la question : celui de la qualification des opérateurs et du maintien de celle-ci dans le temps, celui du nécessaire retour d’expérience de toutes les installations du même type fonctionnant dans le monde et celui de l’étude particulière des interfaces homme-machine qui sont si importantes au cours du déroulement d’un accident.

Toutes ces actions doivent évidemment se placer dans le respect des nombreux dispositifs normatifs mis en place et qui concernent les risques technologiques. À cet égard, il convient d’observer que pratiquement chaque grand accident de référence fut l’occasion pour les pouvoirs publics de légiférer ou de prendre des mesures réglementaires en vue de renforcer la sécurité du public ou de l’environnement.

L'industrie nucléaire

La normalisation technique applicable aux unités de production nucléaire est très forte dans les pays qui ont recouru à cette forme d'énergie. Elle s'inspire souvent de la réglementation qui a été développée par la « Nuclear Regulatory Commission » (NRC) des États-Unis (9). Le principe de base développé par cette institution en vue d'assurer la sûreté lors de la conception, la construction et l'exploitation des unités nucléaires est appelé défense en profondeur. Ce concept désigne (10) une philosophie de conception, appliquée dès le début de celle-ci et jusqu'à son achèvement, basée sur des niveaux successifs de protection tels que la santé et la sûreté ne dépendent pas d'un élément unique de la conception, de la construction, de l'entretien ou de l'exploitation de l'installation. L'incorporation des pratiques de défense en profondeur a pour effet d'accroître la tolérance des installations et des systèmes aux défaillances et aux agressions externes. Concrètement, ces pratiques ont conduit à définir trois niveaux successifs dans la conception de sûreté des centrales nucléaires (11).

  • Le premier niveau consiste à concevoir le réacteur et ses composants de telle sorte qu'il fonctionne avec un haut degré de fiabilité et qu'il présente une faible probabilité de dysfonctionnement ; en d'autres termes, l'installation doit pouvoir être construite, éprouvée, exploitée et entretenue conformément à des normes de qualité et des pratiques d'ingénierie rigoureuses.
  • Le deuxième niveau consiste à incorporer à l'installation des moyens qui permettent d'anticiper et de faire face à des accidents et des dysfonctionnements qui peuvent survenir au cours de la durée de vie des installations. Ce niveau implique la présence de systèmes de protection conçus pour prévenir, arrêter ou maîtriser une gamme de situations anormales prévisibles.
  • Le troisième niveau est basé sur le fait qu'il est prudent d'aller au-delà des limites de sûreté décrites ci-dessus et de prévoir des systèmes et barrières additionnelles en vue d'empêcher un rejet de radioactivité pouvant affecter le public, même dans le cas où des accidents hautement improbables surviendraient. Ce niveau postule des défaillances potentielles majeures de certains composants et systèmes et conduit à définir des accidents de conception auxquels l'installation doit pouvoir faire face.

L'industrie chimique

Il convient de mentionner ici un texte fondamental dans le domaine des accidents majeurs qui utilise une autre présentation des choses que celle dont il a été question ci-avant et qui concerne le domaine chimique. Il s’agit de la directive européenne dite Seveso qui fut adoptée pour la première fois le 24 juin 1982 (12), en suite de l’accident survenu en 1976.

Dans sa version actuelle, la directive ne prescrit pas de règles techniques détaillées, mais définit des obligations formelles pour les industries et les autorités publiques. Ses objectifs sont de prévenir les risques d’accidents majeurs dans les activités industrielles et de limiter leurs conséquences pour l’homme et l’environnement, sur site et hors site. On notera que la directive définit un accident majeur comme « un évènement tel qu’une émission, un incendie ou une explosion d’importance majeure résultant de développements incontrôlés survenus au cours de l’exploitation d’un établissement couvert par la présente directive, entraînant pour la santé humaine, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement et/ou pour l’environnement, un danger grave, immédiat ou différé, et faisant intervenir une ou plusieurs substances dangereuses  ». Pour les activités et établissements visés par la directive, les obligations définies par celle-ci sont reprises en encadré I.

Encadré I
Les obligations de la directive Seveso


Obligations à charge des exploitants d'installations industrielles

  • Notifier aux Autorités compétentes l’existence de tout établissement détenant des quantités de substances dangereuses supérieures à des valeurs fixées dans la directive, ainsi que tous éléments susceptibles de causer un accident majeur ou d’aggraver ses conséquences (art. 6) ;


  • rédiger un document définissant sa politique de prévention des accidents et veiller à sa bonne application et ce, en vue de garantir un niveau élevé de protection de l’homme et de l’environnement par des moyens, des structures et des systèmes de gestion appropriés (art. 7) ;


  • présenter un rapport de sécurité visant, notamment, à démontrer que les dangers d’accidents majeurs ont été identifiés et que les mesures nécessaires pour les prévenir et pour en limiter les conséquences ont été prises (art. 9) ;


  • adapter les mesures de sécurité en cas de modification d’une installation, d’un établissement, d’une aire de stockage, d’un procédé ou de la nature et des quantités de substances dangereuses pouvant avoir des répercussions importantes sur le plan des dangers liés aux accidents majeurs (art. 10) ;


  • élaborer un plan d’urgence interne et fournir aux Autorités compétentes les données nécessaires pour l’élaboration d’un plan d’urgence externe (art. 11, § 1) ;


  • en cas d’accident majeur, informer les Autorités compétentes sur les circonstances de l’accident, les mesures envisagées pour y faire face et éviter qu’il ne se reproduise (art. 14).


Obligations à charge des autorités compétentes

  • Déterminer les établissements ou groupes d’établissements où la probabilité ou les conséquences d’un accident majeur peuvent être accrues, en raison de la localisation et de la proximité de ces établissements et de leurs inventaires de substances dangereuses (effet domino) (art. 8) ;


  • élaborer un plan d’urgence externe (art. 11, § 1) ;


  • mettre en place un système d’inspection ou d’autres moyens de contrôle adaptés au type d’établissement en cause (art. 18).


Obligations communes aux exploitants et aux autorités compétentes

  • Réexaminer, tester et, si nécessaire, réviser et mettre à jour les plans d’urgence interne et externe à des intervalles réguliers ne pouvant excéder trois ans (art. 11, § 4).


Obligations à charge des États membres

  • Veiller à ce que les objectifs de prévention des accidents majeurs et la limitation de leurs conséquences soient pris en compte dans leurs politiques d’affectation ou d’utilisation des sols et/ou dans d’autres politiques pertinentes (art. 12) ;


  • veiller à ce que les informations concernant les mesures de sécurité à prendre et la conduite à tenir en cas d’accident soient fournies d’office régulièrement selon la forme la plus appropriée à toutes les personnes susceptibles d’être affectées par un accident majeur (art. 13) ;


  • désigner les Autorités compétentes chargées d’exécuter les tâches déterminées par la directive (art. 16) ;


  • échanger des informations sur les expériences acquises en matière de prévention d'accidents majeurs et de limitation de leurs conséquences (art. 19).

La directive Seveso a été transposée en droit belge. L’instrument de transposition est, à ce jour, l’accord de coopération du 21 juin 1999 entre l’État fédéral, les Régions flamande, wallonne et de Bruxelles-Capitale concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses (13). Cet accord a été entériné par une loi d’assentiment le 22 mai 2001 (14).

Un grand nombre de textes instituant des mesures similaires à celles de la directive Seveso existent également, tant au niveau européen que belge, dans le domaine de l’énergie et de l’énergie nucléaire en particulier.

La réparation

Par réparation, nous entendons ici les indemnisations auxquelles peuvent prétendre les victimes des accidents industriels majeurs une fois que la phase critique du déroulement de l’accident puisse être considérée comme terminée.

Vu l’ampleur et la nature des conséquences, les mécanismes de responsabilité de droit commun sont souvent peu efficaces. Rappelons que ceux-ci reposent en principe sur trois éléments pour que la responsabilité d’un tiers puisse être engagée : une faute commise par ce tiers, un dommage et une relation de cause à effet entre la faute et le dommage.

En cas d’accident industriel majeur, le cas de figure le plus courant est celui des personnes (ou des institutions) qui ont été touchées par les effets de l’accident et qui, de ce fait, ont subi un dommage, soit matériel, soit corporel, soit immatériel et en demandent la réparation. D’autres types de dommages plus particuliers peuvent apparaître, tels que, par exemple, le coût des mesures de restauration d’un environnement dégradé. Dans certains cas, la faute sera difficile à établir par méconnaissance du déroulement exact de l’accident ou du comportement des responsables de l’exploitation avant et pendant celui-ci. D’autre part, les dommages peuvent aussi être difficiles à évaluer, parce qu’ils relèvent du domaine de la santé (cas des invalidités) ou vu leur caractère indirect (par exemple, des pertes de revenus/bénéfices ou des détériorations durables des écosystèmes) ou parce qu’ils surviennent longtemps après l’accident (cas des maladies à temps de latence élevé). La situation peut encore se compliquer dans la mesure où les victimes peuvent se trouver dans d’autres États que celui sur le territoire duquel l’accident est arrivé.

Pour faire face à toutes ces difficultés, le droit a dû mettre au point des mécanismes sui generis d’engagement de responsabilité, dérogatoires à l’un ou l’autre titre du droit commun.

Par exemple, la problématique de la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire a, très rapidement lors de l’essor de cette énergie, fait l’objet de conventions internationales. La première fut signée à Paris dès 1960 (15) et complétée ensuite par une convention signée à Bruxelles en 1963 (16). Après plusieurs protocoles d’amendements (17), le régime des conventions de Paris et de Bruxelles est applicable en Belgique au titre d’une loi de 1985 (18). Il prévoit notamment :

  • La canalisation de la responsabilité

L’exploitant d’une centrale nucléaire supporte la responsabilité exclusive des dommages subis par des tiers du fait d’un accident survenant dans ou en relation avec cette installation nucléaire, y compris lorsque cet accident survient au cours du transport de matières nucléaires.

  • La responsabilité objective ou sans faute

Contrairement aux principes généraux du droit commun, qui reposent sur les concepts de faute ou de négligence, l’exploitant d’une installation nucléaire est responsable d’un dommage nucléaire subi par des tiers, que l’on puisse ou non prouver l’existence d’une faute ou d’une négligence de sa part.

D’autres domaines ont fait l’objet de conventions internationales visant à régler les responsabilités en cas d’accidents majeurs, dont la pollution de la mer. Les premières tentatives en la matière datent des années cinquante (Convention de Londres de 1954 pour la prévention de la pollution des eaux de la mer par les hydrocarbures). Le développement ultérieur d’une réglementation internationale en la matière a surtout été le fruit de la pression de l’opinion publique suite aux catastrophes majeures telles que le naufrage du Torrey Canyon (1967), de l’Amoco Cadiz (1978) ou de l’Exxon Valdez (1989). Il existe aujourd’hui plusieurs conventions portant sur la protection du milieu marin et, dans ce cadre, des régimes de responsabilité civile prévoyant des mécanismes de compensation pour des dommages causés par des hydrocarbures ont été mis en place. On citera deux conventions majeures témoignant d’une volonté de coopération internationale dans ce domaine : la convention de Londres de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion des déchets et la convention dite MARPOL de 1973 sur la pollution par les navires. Cette dernière a pour but de réguler la pollution par les hydrocarbures, les produits chimiques, les emballages, les déchets, les eaux usées et les émissions atmosphériques. C’est le texte de référence en matière de prévention de la pollution maritime. C’est cette convention qui, concernant les pétroliers, a notamment introduit l’obligation pour les plus récents d’entre eux de disposer d’une double coque.