Jean-Pierre Hansen - Jacques Fraix
Le risque industriel majeur : ambiguïtés, craintes, savoir
Référence 3 Version 1 Date 17/10/2011
Texte / Le principe de précaution
Le principe de précaution

Au cours des dernières décennies, nous avons été de plus en plus sensibilisés à l'ampleur croissante des atteintes à l'environnement. Si certaines pollutions sont géographiquement limitées, d’autres peuvent affecter une partie significative de notre planète, voire sa totalité. Ainsi, l'accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl a-t-il eu des conséquences qui se sont étendues, à des degrés variables, à la quasi-totalité de l'hémisphère Nord. Les atteintes à la couche d'ozone, les changements climatiques ou l'appauvrissement de la biodiversité concernent l'ensemble de la planète.

Dès la fin des années 1970, ces phénomènes ont entraîné des prises de conscience de plus en plus aiguës et, d'une affaire d'experts et de niveau national ou régional, la problématique de la protection de l'environnement est devenue une affaire de tous et de niveau international.

Pour illustrer la prise de conscience dont nous venons de parler, on peut citer le cas du philosophe allemand Hans Jonas et de son livre Le principe responsabilité publié en 1979 (72). Dans cet ouvrage, Jonas défend la thèse de la nécessité d'une nouvelle éthique, face au « Prométhée déchaîné » auquel la science, la technologie et l'économie confèrent des forces inconnues jusqu'ici. Selon Jonas, les problèmes auxquels est confrontée l'humanité aujourd'hui se caractérisent par leur amplitude inhabituelle, leur inscription dans le long, voire le très long terme, leur irréversibilité et leur effet cumulatif (73). La technique moderne, ajoute-t-il, est à l'origine d'actions et de perturbations d'un ordre de grandeur nouveau, avec des conséquences inédites et telles que l'éthique traditionnelle ne suffit plus à les analyser. Il appartient dès lors à l'humanité de se doter des lois nécessaires pour qu'il existe encore un monde pour les générations futures et son devoir est de préserver le monde physique actuel, de manière à ce que les conditions nécessaires à la présence de cette humanité future soient respectées (74).

Devant la montée de l'ampleur des problèmes et des prises de conscience subséquentes, les modèles curatifs et préventifs que nous avons présentés plus haut et qui caractérisaient notre attitude vis-à-vis de la protection de l'environnement ont, pour certains, atteint les limites de leur pertinence et l'on voit se dessiner aujourd'hui les contours d'un nouveau modèle que l'on pourrait qualifier d'anticipatif. Constatant que la science ne peut pas toujours et partout « produire des certitudes », ce modèle intègre une sorte de désenchantement vis-à-vis de celle-ci. La menace étant perçue comme globale et collective, la prévention au sens classique (prévenir sur base de ce que l'on connaît) ne suffit plus. Dans cette optique, il faut agir pour prévenir la dégradation de l'environnement, même si ce n'est pas en connaissance de cause, pour éviter l'irréparable. La « précaution » ainsi définie s’oppose à ce que l'on retarde l'adoption de mesures de protection de l'environnement en raison de la nature encore incertaine des risques. Cette précaution prend soit la forme d'une injonction à agir, alors même que la nature du risque n'est pas clairement identifiée, soit la forme d'une obligation de s'abstenir, au motif qu'une menace pourrait peser sur notre environnement. L'incertitude devient ainsi un élément central du processus décisionnel (encadré V).

Énoncé du principe

Les premiers énoncés du principe de précaution remontent à la fin des années 1980 (75). Depuis, il s'est inscrit dans de nombreux instruments du droit international ou national, sous la forme de simple référence ou de définitions plus complètes.

À titre d'exemples :

Article 130 R, § 2 du traité de Maastricht du 7 février 1992 (Union européenne)

« La politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de la Communauté. Elle est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, et, sur le principe du pollueur-payeur… »

Déclaration de Rio du 13 juin 1992 sur l'environnement et le développement (Nations unies)

« Principe n° 15 : Pour protéger l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de risques graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement. »

Constitution française

« Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attribution, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. » (76)

Sécurité juridique

L'industriel a besoin de sécurité juridique. En matière de protection de l'environnement, celle-ci est effective lorsqu'il est soumis, par exemple, à une norme d'émission d'un polluant. Le principe de précaution est d'une autre nature et l'examen de sa formulation dans différents textes met en évidence son manque de précision. Cette formulation permet d'épouser un nombre indéterminé de situations : toutes celles dans lesquelles il existe, ou il est susceptible d'exister, un risque mal ou même non identifié pour l'environnement. Ceci constitue évidemment une source d'affaiblissement de sécurité juridique. Il est d’ailleurs souvent nécessaire d'écrire des documents interprétatifs ou explicatifs (77) à son sujet.

Le principe de précaution a aujourd’hui dépassé le champ de la philosophie pour entrer dans celui du droit et il figure d'ores et déjà dans des textes juridiques ayant une réelle portée normative. Or, il n'est pas sans incidence sur la gestion et la sanction des responsabilités. Si, jusqu'à présent, « l'incertitude du savoir » pouvait exonérer, il n'en va plus de même avec le principe de précaution : l'incertitude des connaissances n'excuse pas, et doit même être prise comme une incitation à plus de prudence. En d'autres termes, la précaution augmente les responsabilités.

Le droit commun de la responsabilité a pour fonction de garantir la réparation de dommages existants et consécutifs à une faute commise par un tiers et qui est la cause de ces dommages. Les trois éléments constitutifs de la responsabilité sont donc la faute, le dommage et le lien de causalité entre la faute et le dommage.

Aujourd'hui, le fait de se comporter « en bon père de famille », ou de respecter les normes de conduite professionnelle ou les règles de l'art en vigueur dans une profession peuvent conduire à l'exonération de responsabilité. Cette dernière ne peut, par ailleurs, être engagée qu'en fonction de ce que l'on peut savoir et, par conséquent, l'imprévisibilité du dommage est aussi une cause d'exonération de la responsabilité. L'obligation de prendre les précautions voulues pour éliminer les dangers relève du « devoir général de prudence et de diligence » et il s'agit là en principe d'une obligation de moyens. Selon la jurisprudence belge, la violation de ce devoir ne constitue une faute que si le dommage est prévisible dans les circonstances de temps et de lieu données (78). Le juge doit apprécier les faits critiqués en se plaçant dans les circonstances où ils se sont produits sans céder à la tentation de les juger a posteriori à la lumière d'éléments d'information et d'appréciation dont ne pouvaient disposer ceux qui avaient à prendre une décision.

Le principe de précaution pourrait donc jouer ici à deux niveaux :

  • en relevant l'exigence de prudence ;
  • en élargissant le champ de la prévisibilité.

La faute pourrait, en effet, être jugée non seulement au regard des données qui étaient en possession des décideurs au moment des faits ou qu'ils auraient dû ou pu connaître mais, surtout, qui pourraient apparaître ultérieurement ! Selon A. Milne, ingénieur britannique spécialiste de l'industrie chimique : « S'il est vrai que la loi rétrospective est insuffisante, la loi prospective représente, quant à elle, un parfait non-sens puisqu'elle demande à tout un chacun de connaître par avance les crimes non encore identifiés dont il pourrait être rendu coupable à une date future indéterminée. » (79)

L'idée de juger un responsable à partir de connaissances qui auraient évolué au fil du temps et qui lui échappaient au moment de la prise de décision peut paraître choquante. L'industriel, comme tout un chacun d’ailleurs, a besoin de connaître la règle qui s'applique à lui et ne peut d'ailleurs la respecter qu'à cette condition.

  • Le « risque de développement » constitue une belle illustration de ce qui précède. Au niveau européen, il a été introduit par une directive, adoptée en 1985, concernant la responsabilité du fait des produits défectueux (80). Après avoir consacré, dans son article premier, le principe de la responsabilité objective du producteur quant au dommage causé par le défaut d'un produit, la directive formule un certain nombre de cas d'exonération de cette responsabilité et dispose notamment en son article 7 :
    « Le producteur n'est pas responsable en application de la présente directive s'il prouve :

    ( e ) que l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit par lui n'a pas permis de déceler l'existence du défaut ;
    … »

  • Cette hypothèse désigne ce que l'on appelle le risque de développement. La transposition, en décembre 1992, de la directive en France fit l'objet de débats au point que le gouvernement dut retirer le projet de loi de l'ordre du jour de l'Assemblée. Certains parlementaires souhaitaient, en effet, que le risque de développement ne soit pas exonératoire de la responsabilité des producteurs, alors que d'autres estimaient qu'il n'était pas juste, même à des fins d'indemnisation, d'apprécier un acte en fonction de connaissances que l'on est à même de ne connaître qu'ex-post (81).
  • À l'inverse, on notera que le paragraphe 32 de la loi allemande du 20 juin 1990 sur la biotechnologie (loi visant les organismes génétiquement modifiés) exclut, au nom du principe de précaution, toute cause d'exonération liée au risque de développement. La justification de cette approche tient au fait que ces techniques sont encore au début de leur développement et qu'il est impossible de faire, en ce domaine, des prévisions en matière de sécurité (82).

Effets indésirables

Au début des années 1990, Greenpeace utilisait comme slogan à propos de la mer du Nord : « Aucun rejet ne doit être déversé en mer à moins que son innocuité ne soit prouvée. » Dans son recours déposé en 1998 devant le Conseil d'État français contre le maïs Novartis, la même organisation soutenait que « L'application de ce principe (de précaution), en l'espèce, impose qu'aucune décision d'introduction d'OGM dans l'écosystème ne puisse être prise tant qu'il n'est pas démontré 'au cas par cas' l'innocuité de l'organisme en question pour l'environnement et la santé publique. » (83)

Ces thèses, dont les énoncés sont simples et susceptibles de recueillir l'adhésion d'un grand nombre de personnes, puisqu'elles sont la traduction de l'adage populaire « dans le doute, abstiens-toi. », soulèvent à l'analyse de nombreuses questions et constituent des exemples types de l'utilisation stricte du principe de précaution (attitude que certains appellent le « précautionnisme » (84) ) et des trois conséquences négatives que celle-ci peut engendrer : la référence au risque zéro, le scénario du pire et l'inversion de la charge de la preuve. Avec O. Godard, on peut remarquer que ces trois composantes conduisent à une « règle d'abstention généralisée » dont on néglige généralement d'analyser les conséquences et qui débouche dans la plupart des cas sur une dynamique de comportement qui va à l'encontre des objectifs que l'on devrait poursuivre, à savoir établir une meilleure gestion des risques et restaurer une plus grande confiance dans la décision publique et l'expertise scientifique (85).

La référence au dommage zéro

C'est un lieu commun que d'affirmer que le risque zéro n'existe pas. Toute activité humaine (y compris celle de naître) et, en particulier, toute activité industrielle, implique différentes sortes de risques. Le dommage zéro est une norme irrationnelle dont la poursuite est une utopie. L'abstention fondée sur le dommage zéro pose implicitement qu'il existe un choix entre une option réputée risquée et d'autres qui ne le seraient pas. Or, dans la plupart des cas, les décideurs doivent plutôt affronter des situations où il faut arbitrer entre différents types de risques, non seulement techniques, mais aussi économiques, politiques ou sociaux. Tous ces risques n’ont pas la même nature et leur comparaison peut être difficile. Dans ce contexte, le critère de décision, pour être pertinent, devrait être formulé de manière à refléter clairement que refuser un certain niveau de risque sur une option, c'est accepter d'autres prises de risques dans d'autres options, y compris celle de ne rien faire !

La seconde remarque que l'on peut faire à propos du dommage zéro est que cette option risque de porter un coup sévère au développement de la recherche fondamentale et aux démarches d'innovations technologiques qui caractérisent fondamentalement la société industrielle. L'innovation représente, non seulement un élément essentiel du progrès de l’économie, mais aussi du développement de systèmes tels les soins de santé, par exemple. Elle est, en fait, une des modalités principales d'existence de la société développée.

En définitive, en matière de risque ou de dommage potentiel, il convient, comme nous l'avons déjà souligné, de se référer à un niveau de risque acceptable, à un seuil, quelles que soient, par ailleurs, les difficultés inhérentes à cette démarche et qui sont liées, tantôt à la détermination de sa valeur, tantôt à la légitimité de l'instance habilitée à le fixer.

Le scénario du pire

L'option scénario du pire implique une hiérarchisation implicite des options en présence. Ceci n'est pas toujours réaliste, ni même réalisable, en particulier lorsque les connaissances scientifiques ne sont pas solidement établies, ce qui est précisément le cas des situations visées par le principe de précaution. Il faut, en cette matière, se méfier de ce que P. Lagadec appelait « le vertige apocalyptique » (86).

La référence au scénario du pire découle de l'exigence de la preuve d'innocuité et de l'attitude selon laquelle, en situation de risque, une hypothèse non infirmée devrait être tenue provisoirement pour valide, même si elle n'est pas formellement démontrée. Puisque les dommages sont simplement réputés possibles ou ne peuvent être exclus formellement, la règle de l'abstention conduit généralement à se focaliser sur la pire éventualité.

En contexte scientifique et/ou social controversé, où plusieurs théories non encore validées s'affrontent et où chacun s'accorde sur le fait que des informations inattendues (bonnes ou mauvaises) ne sont pas exclues, identifier le scénario du pire exige de définir des conventions permettant de choisir, parmi les séquences causales fort nombreuses et les modélisations permettant l'évaluation de leurs conséquences, celles qui sont vraiment pertinentes et d'arrêter à un certain niveau l'exploration de l'arborescence des effets. De telles conventions contiennent inévitablement des considérations extra-scientifiques. Dès lors, on imagine volontiers que des intervenants puissent choisir une définition du pire en vue de discréditer l'option adverse et mobiliser, pour atteindre leurs objectifs, toute l'argumentation qu'ils pourront appuyer sur l'état, précisément controversé et incertain, des connaissances disponibles. Dans ce cadre, le débat n'a pas de fin.

Il n'est pas non plus sans intérêt de rappeler ici, d'une part, la contrainte économique qui pèse sur les activités d'étude et de recherche et qui peut influencer la teneur de l'exercice en limitant l'éventail des possibilités effectivement explorées (87).

L'inversion de la charge de la preuve

Si, jusqu'à présent, il appartenait à ceux qui craignent un risque ou un dommage d'apporter la preuve de son existence, le principe de précaution pourrait bien avoir pour conséquence d'inverser ce processus. Dans ce cas, il appartiendrait aux promoteurs de projets ou de technologies nouvelles ou aux responsables d'activités industrielles d'apporter la preuve de l'absence de dommages pour que leurs initiatives puissent aboutir.

Cette constatation est fondamentale : historiquement, le doute, voire l'inconnu, scientifique, profitait plutôt au développement de l'activité ou du produit ; désormais, c'est l’inverse : « in dubio pro natura » (88).

On remarquera ici que, dans les contextes incertains et controversés auxquels se réfère le principe de précaution, la science n'est pas plus à même de fournir la preuve de l'absence de risques – pour autant que cela soit possible – que le contraire. L'inversion de la charge de la preuve peut s'inscrire soit dans le cadre de l'épistémologie positiviste traditionnelle selon laquelle la science est capable de réduire toute incertitude, moyennant une poursuite suffisante de la recherche, soit dans le cadre d'une épistémologie de la relativité de la connaissance selon laquelle il existe des zones irréductibles d'indétermination scientifique.

Dans la première hypothèse, le principe de précaution conduit à l'introduction de délais supplémentaires nécessaires à l'obtention des éléments de preuve manquants et, partant, de mise en œuvre des activités supposées porteuses de risques. Les questions qui se posent ici sont celles de la compatibilité du rythme du développement des connaissances avec celui du développement technologique et de la rencontre des horizons temporels des divers acteurs industriels, politiques, scientifiques ou sociaux.

Dans la seconde hypothèse, l'exigence de la preuve de l'innocuité est sans pertinence et l'homme est, en quelque sorte, condamné à décider dans le doute. Dans ce cas, le discours fondamentaliste sur le principe de précaution et le changement de paradigme qui en découle quant à la charge de la preuve peuvent s'interpréter comme des stratégies utilisées par les acteurs pour parvenir à des fins politiques ou sociales déterminées. En somme, il s’agit ici, tout simplement, de prendre de la distance vis-à-vis du concept même de preuve scientifique, que celle-ci intervienne à charge ou à décharge.

La logique du principe de précaution demande, dans les deux approches, un accompagnement particulier de la décision prise :

  • en cas de décision de report et de temporisation, la mise sur pied ou la poursuite d'un processus de recherche pour accroître la connaissance du risque et, au vu des résultats, prendre éventuellement les décisions qui avaient été différées ;
  • en cas de décision en faveur de l'action concernée en dépit de l'absence de certitude sur son caractère dommageable, la mise sur pied d'un processus de suivi des conséquences de façon à pouvoir tirer parti des informations apportées par l'expérience et prendre les mesures de correction qui s'avèreraient nécessaires.

Cependant, cette symétrie de distance par rapport à la preuve semble incompatible avec le principe de précaution lui-même, puisque celui-ci veut précisément instaurer une asymétrie dans l'analyse des problèmes et dans la prise de décision, au nom d'un combat contre l'irréversibilité. C'est parce que la réalisation de certains risques (encore incertains) aurait un caractère irréversible que serait justifiée la liberté prise avec l'exigence de la preuve du dommage. En fait, l'irréversibilité est une caractéristique parmi d'autres du dommage et ne permet pas de faire l'économie de l'appréhension du dommage lui-même (conséquences économiques, sociales, politiques, identité des groupes à risques,…) et des perspectives d'amélioration future de l'information sur ce dommage ou sur les moyens d'action dont on dispose.

En réalité, il y a deux grandes raisons pour s'abstenir d'une action à laquelle est associé un risque de dommage irréversible :

  • si l'ampleur du dommage pour la collectivité dépasse les avantages attendus par elle de l'activité qui en est la cause ;
  • si le coût de report d'une décision aux effets potentiellement irréversibles est inférieur aux avantages qu'il sera possible de retirer dès lors que les décisions pourront être mieux ajustées au moment où elles devront être prises, en raison de l'amélioration de l'information obtenue grâce à ce délai.

En tout état de cause, on se trouve donc devant la nécessité d'un calcul économique de comparaison entre le coût du dommage et celui de son évitement. C'est en fonction de ces évaluations que les décideurs pourraient être à même d'adopter une position proche d'une exigence de preuve du dommage ou de preuve de l'absence du dommage. Ce choix ne peut toutefois résulter de la seule référence à un principe très général, mais dépend d'une appréciation circonstanciée, au cas par cas, du contexte de risque considéré.