Jean-Pierre Hansen - Jacques Fraix
Le risque industriel majeur : ambiguïtés, craintes, savoir
Référence 3 Version 1 Date 17/10/2011
Résumé

Les technologies industrielles sont à l'origine d'une série de risques qui peuvent mettre en péril les biens, la santé ou même, dans des cas extrêmes, la vie des personnes. Ce constat a ouvert aux experts un nouveau champ de réflexion, caractérisé par sa pluridisciplinarité puisqu'il fait appel entre autres aux sciences, à l'art de l'ingénieur, au connaissances médicales, au droit, à l'économie, à la sociologie et à la politique.

C’est dans ce contexte qu’est proposée la présente contribution. Sa toile de fond est le développement industriel, associé à la mise en œuvre de techniques diverses. Les concepts utilisés sont illustrés à l’aide d’exemples puisés essentiellement dans les deux secteurs industriels de la chimie et de l’énergie.

Le risque industriel est, soit lié aux accidents de grande ampleur, soit lié au fonctionnement normal des installations et à la pollution chronique de l’environnement qui en découle.

En ce qui concerne les accidents de grande ampleur, il est d’abord rappelé le rôle combiné de la probabilité de survenance et de la gravité dans la quantification du risque associé. Les facteurs d’incertitude affectant ces deux paramètres sont mis en évidence, ainsi que la difficulté de déduire l’acceptabilité sociétale de tels risques étant donné l’aversion au risque qui caractérise tout être humain. L’article émet également quelques considérations concernant la gestion des risques accidentels, en particulier en matière de leur prévention et de leur réparation. La prévention comprend à la fois des aspects techniques et des aspects institutionnels et législatifs. Des exemples sont ainsi explicités qui relèvent de l’ingénierie de conception et d’initiatives réglementaires. En ce qui concerne la réparation, les auteurs s’emploient à décrire les mécanismes originaux qui ont été mis au point dans le domaine du droit de la responsabilité pour permettre aux victimes de recouvrer une indemnisation des dommages subis.

En ce qui concerne l’impact chronique sur l’environnement, les auteurs passent en revue les modèles qui ont caractérisé l’évolution du comportement de l’homme vis-à-vis de son environnement. La gestion des risques chroniques est évoquée avec les apports de la science (en particulier dans l’épineuse question de la relation dose-effet), de l’économie (avec le recours à l’analyse coûts-bénéfices) ainsi que la réponse des régulateurs, c’est-à-dire des autorités qui, à un titre ou un autre, interviennent dans la détermination et la mise en œuvre des politiques publiques visant à prévenir ou réduire les impacts environnementaux des activités industrielles. L’article met ainsi en évidence la difficulté de valoriser en termes monétaires les bénéfices ou avantages associés à la protection de la vie, de la santé et de la nature elle-même, les difficultés méthodologiques (prix du temps à long terme, relation entre optimum et équité) de l’analyse coûts-bénéfices, les nécessaires différences à établir entre risque et incertitude et entre prévention et précaution et, enfin, les méthodes normatives et incitatives (taxes, permis d’émission) utilisées par les régulateurs.

La contribution se termine par quelques considérations sur le principe de précaution. Après avoir mis en évidence le caractère flou des énoncés du principe et l’insécurité juridique qui peut en découler pour ceux qui y sont soumis, les effets indésirables du principe sont évoqués, dont notamment la référence abusive au dommage zéro, le recours inconsidéré au scénario du pire et l’inversion de la charge de la preuve.